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       .Il y a des vies plus trépidantes que d'autres, des vies pour générer la vie chez d'autres, des vies simples qui deviennent des vies hors du commun. La vie d'Iratzia fait partie de celles là.

.......Tout commence en la fin des années 60 chez Pierre IRIBERRIGARRAY.

.......Ce berger vit sur la montagne de l'ours L'ARTZAMENDI en basque, (en français aussi d'ailleurs...), la ferme se situe sur la commune de Bidarray. La vie est simple, pastorale, agricole, rurale.

.......Le paysage devant la maison est splendide, une vue imprenable sur le Baigoura, et sur la vallée de la Nive. L'homme aime les animaux, sur les prés devant la maison vont et viennent en liberté les brebis, le cochon et les Pottok. Non loin de son maître le labri veille .

.......Pierre IRIBERRIGARRAY au début des années 70 est officiellement propriétaire de trois juments Pottok (kattalin Gorri, pie rouge née en 1967 ; Pottola, bai brune née en 1971 ; et Xanti, pie noire née en 1972). Les juments passent la mauvaise saison autour de la borde et au printemps elles retournent vivre sur le plateau du Kakouéta, là elles y vivent leur vie de jument poulinière : elles y donnent naissance à leur poulain seule, et qu'elles élèveront seule. La vie est rude, mais le paysage est à couper le souffle ; seuls les plus forts peuvent survivre dans de telles conditions... pas question de se laisser distraire, il vaut mieux être vigilant et regarder où on met les pieds.

.......Une huitaine de jours après avoir pouliné, les juments seront de nouveau réceptives à l'étalon ; la saison des amours recommencera. L'heureux élu sera le plus ambitieux, le plus fort, celui qui aura réussi à tenir les autres prétendants éloignés ; celui qui aura été de passage ou été mis sur cette estive cette année là... au petit bonheur la chance !.

.......L'histoire est la même depuis des lustres.

.......Pierre VONNE est un autre éleveur de Pottok, il n'est pas berger, mais il vit sur la commune de Bidarray ; et le plateau du Kakouéta est juste au-dessus de chez lui à une demi-heure de marche. Il a découvert le Pottok une dizaine d'années auparavant et il est toujours à la recherche de très bons animaux, il surveille d'un œil de connaisseur les naissances dans ces années là, se portant acquéreur pour agrandir son propre troupeau.

.......Sur le Kakouéta dans les premiers jours de mai en 1974 une jument donne la vie à un poulain mâle dans le plus pur anonymat, comme de nombreuses autres juments sur les plateaux des montagnes basques ; ni le lieu, ni le jour, ne prédestinait ce poulain à entrer un jour dans la légende.

.......Il est pie alezan, il est vivant et il suit sa mère ; comme souvent au printemps la nature est généreuse, le poulain grandit vite et prend des proportions qui ne manqueront pas d'attirer l'attention de M.Vonné. Très peu de temps après, il rencontre Pierre Iriberrigarray au détour d'un chemin dans la montagne, qui lui confirme être le propriétaire de la jument et du poulain en question. La discussion est brève et cordiale M. Vonné qui sait que les choses rares sont précieuses, propose plus du triple du prix habituel d'un poulain au sevrage à cette époque ; ....pour Mille Francs l'affaire est conclue. A l'automne suivant ce poulain quittera les landes du Kakouéta pour intégrer les écuries de Chahatoénia, il sera baptisé : Iratzia (il restera pour autant pendant presque toute sa vie sur la montagne de l'ours).

.......Il sera inscrit à titre initial au stud book de la race le 14 avril 1975, et sera confirmé le 06 août 1977 sous le numéro : 151-P.1-805.

.......Il arrivera sous le feu des projecteurs lors du concours national d'étalon en 1977 pour obtenir une sixième place, et une prime d'élevage royalement distribuée par les Haras Nationaux d'un montant de 120 Fr.,... il y a des débuts difficiles !

.......L'année suivante il obtiendra une 5ème place et une prime de 220 Fr.,... ne rentre pas dans la légende qui veut ! . En revanche cette année là il est approuvé à la monte publique, il peut désormais séduire... les juments.

.......Il y a des étalons qui se révèlent sur le tard, Iratzia en faisait sans doute partie, à moins que le jury ne change d'avis, ou que ses nouvelles fonctions d'étalon ne lui aient été profitables.

.......C'est sans doute ça !, car en 1981 il prend la tête du concours des étalons en remportant la première place, (avec cette fois ci une prime de 390 Frs!). Il doit y prendre plaisir car il sera de nouveau 1er en 1983, puis en 1984, et de nouveau en 1985 ...l'histoire est en marche!, il sera 3ème en 1986, 2ème en 1987 derrière son fils Rey, il reprendra la 1ère place en 1990! Puis une ultime fois en 1997 dans la catégorie des étalons de montagne à l'âge de 24 ans ...du jamais vu! ( il fait désormais la monte là où il est né, dans la montagne et il y vit toute l'année).

........M. Guillaume LEVESQUE journaliste pour la revue équestre L'EPERON écrira dans le guide de l'élevage de 1999 sous la rubrique: DES SIRES INCONTOURNABLES...

......."Iratzia , ce magnifique poney a très souvent été classé meilleur étalon Pottok et ce jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Costaud et très armé, il a beaucoup apporté à la race par la qualité de son modèle. Néanmoins il a parfois reproduit ses aplombs cagneux. Ses produits ont été très peu exploités en compétition."

......Critiques d'une grande véracité.

......Il convient pour autant de rajouter que Iratzia se déplaçait remarquablement, il était d'une grande puissance, son aptitude au saut était phénoménale. Très compact et épais dans son modèle(sans être lourd)( il avait de bon tissus et il était très sec), il avait des articulations larges, il était court jointé, le rein large et court, une épaule longue et puissante, le poitrail était très ouvert. Seule ombre au tableau : l'aplomb de ses antérieurs, il billardait au trot, mais cela ne l'a jamais handicapé dans toutes ses activités .

.......On ne peut que regretter qu'avec un tel modèle et de telles aptitudes naturelles, il n'ait pas obtenu de résultats probants de son efficacité,...il aurait suffi de lui mettre une selle et un cavalier sur le dos. Sa production en fera partiellement la démonstration, en ayant des indices de plus de 100, on note même un indice IPO de 118 en 1996 obtenu par une de ses filles (Paprika) née en 1981 avec une jument de livre A, prouvant par là même l'aspect tardif et optimum de sa production.

.......Un étalon ne rentre dans l'histoire que par ses résultats ou les traces qu'il laisse... pour ce qui est des résultats il est vraisemblable qu'il faille attendre encore longtemps pour qu'un nouvel étalon obtienne 5 fois la première place au concours national; pour ne compter que celles ci.

.......Pour ce qui est des traces génétiques...il est le père officiel de 99 produits dont 60 femelles et 39 mâles. Nombre d'entre eux à l'image de leur père se distingueront en concours de Modèle et Allures.

.......Parmi ses 36 produits mâles (3 sont des "L", ils n'ont que un an), 19 sont devenus étalons soit 52,78 % de sa production ! record de régularité auquel peuvent essayer de s'atteler beaucoup d'étalons de toutes races confondues. Deux d'entre eux ont été achetés par les Haras Nationaux (...revanche de l'histoire?).

.......Ces 19 produits mâles ont engendré 278 produits.

.......Trois de ses fils n'ont aucun produit enregistré, seuls deux atteignent les 40 produits ou plus, un seul ( Paladium ) culmine avec 52 produits inscrits (soit près de 20 % de la production des " Iratzia de seconde génération") .

......Les lignées femelles quant à elles sont représentées par 60 juments dont 55 ont plus de trois ans , 26 d'entre elles n'ont jamais été mises à la reproduction et seules quatre des filles d'Iratzia ont donné naissance à 10 poulains ou plus. Au total les lignées femelles auront engendré 112 poulains.

......Ce qui porte le total cumulé des produits d'Iratzia de première et de seconde génération à 390 naissances. Ce chiffre est le reflet de l'influence officielle (inscrit au stud book) d'Iratzia sur les effectifs de la race, pour autant il faut savoir que pour des raisons personnelles M.Vonné avait confié Iratzia ( pour les "dernières" années de sa vie) aux bons soins d'un de ses amis; ..

.......... Iratzia a été alors relâché en liberté dans la montagne ,là même ou il était né. Il a continué à œuvrer pour la race dans la plus pure tradition qui l'avait vu naître, sans contrôle, au milieu des juments, sans scrupules, sans état d'âme, et avec un minimum de soins.... Il est à souhaiter que de ces ébats amoureux soient nés des poulains qui pourront être inscrits à titre initial un jour ou l'autre. Ils ne bénéficieront pas d'une généalogie écrite, cela sera t-il un service rendu à la race? aux éleveurs?. Seuls 6 Poulains ( 3 mâles et 3 femelles) auront été inscrits au stud book en 1999 au titre de l'ascendance, suite à la dernière année de monte qu'il avait assuré en 1998.

.......Il aurait peut être été plus judicieux aux vues des services déjà rendus, de lui préserver des conditions de vies moins rustiques et de permettre à de nombreux éleveurs de pouvoir profiter de ses services.

.......Quoi qu'il en soit, il faut préciser que Iratzia a malgré tout bien vieilli, et qu'il était encore en très bonne forme pour obtenir une première place au concours des étalons de montagne en 1998 à l'âge de 24 ans.

.......Le 19 Février 1999 à Hélette, 74 prétendants au titre ou à la fonction d'étalon étaient descendus de la montagne sur la place du champ de foire . Tous étaient là pour être présentés, montrés, ...logique c'était le jour. Dans ces moments d'animation là, personne ne se soucie vraiment de qui manque à l'appel, ...normal. Dans ces moments là personne ne remarque les choses les plus anodines un absent, une ombre qui passe...seuls comptent les résultats, et l'éclat des coupes; une ombre est-elle vraiment passée?.

.......Ce même jour sur le Kakouéta dans la sérénité des montagnes et dans un lieu qui l'avait vu naître, un étalon se couchait pour la dernière fois entre les rochers, un peu à l'écart de ses juments,... ni malade, ni accidenté, juste un besoin de repos éternel... ainsi va la vie.

.......Le devoir accompli Iratzia s'est retiré le jour où ses successeurs étaient désignés pour remplir sa fonction, ne voulait t-il plus livrer combat pour régner en maître sur une parcelle de son territoire ?, a t-il voulu faire un pied de nez à l'histoire et en cédant la place ce jour là ?, Faut-il y voir la marque d'un grand seigneur?, ... peu importe il s'agit sans doute là d'élucubrations humaines. Les montagnes gardent bien leurs secrets, les Pottok aussi, l'homme n'était pas là au début de leur histoire; pourquoi voulez vous qu'il sache !. On peut juste transmettre ce que l'ont sait !

.......Ah au fait ? ...vous savez pourquoi Iratzia ?

.......Cela veut dire FOUGERE, roux, (en langue basque). Anodines Fougères, ...celles qui l'avaient vue naître... comme quoi,... les secrets sont bien gardés.

PUBERT C.
photos  : 
Obstacle et haut de page : PUBERT C.(1986)
Autres et galerie : VONNE Pierre

Précision : Tous les chiffres cités sont "arrêtés" à la date du 30.09.2000.