4 ème partie :
Une aire nouvelle, ou : ... de l'air du temps !

 

    En 1998, j’ai rencontré Jean-Sébastien, un jeune élégant " bipède ", qui est aujourd’hui devenu mon mari. Il s’est toujours bien entendu avec Réséda, à mon grand étonnement ! car, à cette époque, elle ne supportait plus du tout les Hommes.

Je pense que cela vient du fait que Jean-Sébastien ne connaissait rien aux chevaux et que, de ce fait, il n’a pas cherché à rentrer en opposition avec elle, mais plutôt à la comprendre.

   En septembre 1999, je suis venue habiter en Suisse pour rejoindre Jean-Sébastien qui est de nationalité helvète.

   Je revenais une fois par mois en France pour voir Réséda, j’avais trouvé sur place une jeune fille qui s’en occupait régulièrement. Cette distance (Suisse / France) me pesait énormément mais je n’avais pas tellement le choix. Ma mère allait la voir une fois par semaine et chaque dimanche je prenais de ses nouvelles.

   Un jour Réséda a fait une fourbure et vu sa résistance, je ne comprenais pas. J’ai compris par la suite que si la personne qui l’hébergeait était pleine de bonne volonté, … la ration qu’elle donnait à Réséda était totalement déséquilibrée. Je ne savais plus comment faire, …, et mon mari a insisté pour que je l’emmène en Suisse.

   Là un nouveau challenge a commencé. D’abord parce que j’étais exigeante sur la qualité des lieux qui pouvaient accueillir Réséda, et ensuite parce que la Suisse est un tout petit pays avec très peu de prairies agricoles … donc rares et chères ! J’ai mis beaucoup de temps à trouver une stabulation libre avec un troupeau de poneys. Mais j’y suis quand même parvenue.

   C’est en juillet 2001, que je suis allée chercher Réséda. Elle ne supportait pas d’être enfermée, et un van aurait été pour elle une catastrophe. Non, trop de souvenirs de jeunesse !
   Dans un van, qu'elle juge trop exigu, elle se cabre, met les deux antérieurs sur la barre de poitrail et tape jusqu’à se faire mal ou jusqu’à se blesser.

   Heureusement, j’ai eu l’opportunité de rencontrer une dame avec une camionnette aménagée dans laquelle Réséda pouvait avoir plus de place et surtout … elle pouvait nous voir durant le voyage.

   Nous sommes parties à 4h30 du matin des contreforts du Vercors pour rejoindre les bords du lac Leman en Suisse. Puis nous sommes arrivées à la frontière.

   Nous redoutions beaucoup ce passage car la Suisse ne fait pas partie de L’U.E; ce « détail » rend les choses beaucoup plus difficile, … quand vous rajoutez à cela l’esprit tatillon du « doûânier » Suisse et sa rapidité légendaire … Tous les désespoirs étaient permis !; malgré nos craintes en 1h30 nous sommes parvenues à passer la frontière.

   Quelques minutes plus tard ; c’étaient les premiers pas en terre helvète .. enfin les premiers tours de roues : … il nous restait encore quelques kilomètres à parcourir.

   En début d’après-midi Réséda est enfin arrivée à destination.
  Avec ma mère, nous avons dormi sous la tente à côté de son pré, et ce pour les deux premières nuits. Le club est un endroit fantastique, où l’animal est vraiment respecté.    Tous les jours, je sortais Réséda pour l’emmener en balade mais aussi pour la soigner.

   Quant à son adaptation avec les autres poneys ; cela faisait maintenant une dizaine d’années qu’elle était la chef des troupeaux en France, elle ne voyait pas pourquoi cela changerait, tant bien même qu'elle soit arrivée en Suisse.
   La principale différence est qu’ici, il y avait un poney islandais deux fois plus gros qu’elle, ferré, qui ne l’entendait pas tout à fait de la même oreille … et dont, bien sûr, l’autorité n’avait jamais été bafouée depuis des lustres. Quelques explications mémorables s’en sont suivi.

   Nous avons fini par donner des fleurs de Bach à Réséda. (Ce sont des gouttes "homéopathiques"). Réséda y a très bien réagi et elle a arrêté d’agresser tous les poneys du troupeau. Elle est devenue tout naturellement la copine du chef.

   Quelques semaines après son arrivée, le propriétaire des lieux m’a demandé s’il pouvait travailler avec Réséda à pied car il n’arrivait pas à l’approcher au pré, et il soupçonnait que cela lui poserait des problèmes en cas d’escapade ou de soins obligatoires. J’ai bien sûr accepté. Il l’a donc faite travailler dans une carrière ronde prévue pour le travail en liberté et j’ai pu voir Réséda se métamorphoser avec les hommes.
   En quelques jours, elle n’en a plus eu peur. Enfin quelqu’un qui a su lui parler et qui a cherché à la comprendre. Une méthode faite de douceur et de chuchotements.

   En octobre 2001, Réséda s’est mise à tousser de manière très impressionnante.

   Nous avons découvert qu’elle avait des vers dans ses poumons. Puis elle s’est mise à maigrir juste avant les grands froids. Elle a été soignée avec des vermifuges très forts, et là, c’était impressionnant… lorsqu’elle toussait, elle crachait des vers, il en sortait aussi par les naseaux. On m’a fait comprendre qu’elle ne passerait sûrement pas l’hiver. (…)
   Nous avons essayé de la mettre en box mais malgré son état, elle a cassé une vitre qui était pourtant très haute. Elle ne supportait que la stabulation. Nous avons passé un hiver épouvantable.

   Dés que je montais la voir, je lui prodiguais tous les soins possibles et inimaginables, je lui faisais cuire de l’orge ce qui a au moins permis de la maintenir un peu en état.
   Elle était très faible, j’avais pitié pour elle. C’était vraiment très dur de la voir dans cet état. Malgré cela je dois dire quelle a toujours gardé le moral, et du coup maintenu le mien à flot.

   Mon mari, me disait que ce qui la faisait vivre c’est le fait qu’elle soit près de moi mais je ne sais pas, cela m’a peut-être rassurée sur le moment. L’essentiel étant qu’au printemps, Réséda était toujours là.
   Elle pouvait enfin récupérer de sa « mésaventure ».

   Après avoir longuement réfléchi sur comment elle avait pu attraper ces vers, il n’y a eu qu’une seule solution qui s’est dégagée et cela me met aujourd’hui encore hors de moi.
   Avant que je la fasse venir en Suisse, je faisais naïvement confiance à la dame chez qui elle était. Je n’aurais peut-être pas dû. Je payais naturellement des vermifuges, …et bien sûr tous les autres soins qu’elle devait faire à Réséda. Les vermifuges sont apparemment allés vers d’autres chevaux, les siens sans doute, et Réséda n’en a reçu que très peu .. pour ne dire pas !
   Le comble : elle a surtout toujours reçu la même formulation chimique ! Il faut ajouter à cela que j’ai su plus tard qu’il y avait un âne la plupart du temps dans le pré de Réséda. On comprend très vite dans ces conditions de " surpopulation " que les vers n’ont eu aucune difficulté à se développer.

   Depuis cette histoire, Réséda fait des crises de toux régulièrement. Ses poumons se sont abîmés et le fait qu’elle soit atteinte d’emphysème auparavant n’a fait qu’aggraver le problème. Réséda aura 20 ans le 30 mars. (… en fait 21 ans le 30.03.2004 ndlr) ... elle coule une paisible retraite et je m’en occupe trois fois par semaine.
   Deux autre fois se sont des jeunes filles du club qui se font plaisir en la sortant, mais Réséda leur en font voir de toutes les couleurs. Elle s‘échappe, les fait courir dans les champs…bref! Elle a le moral et c’est ce qui compte.

   Aujourd’hui, je reconnais que je suis un peu « mère poule », je m’inquiète beaucoup trop pour elle, surtout les hivers et dès qu’elle se remet à tousser.
   J’essaie d’avoir des renseignements de tous les côtés mais personne ne me dit la même chose ce qui rend les choses plus difficiles à gérer. L’âge est aussi là.
   Finalement quant aux soins à lui prodiguer, bien que je m’informe le plus possible … en définitive j’écoute surtout mon bon sens qui m’a toujours guidé (et jamais trahi ).

   Enfin pour conclure, je pense que je ne remercierai jamais assez mes parents.

   Ils m’ont fait le plus beau cadeau qui soit en m’offrant Réséda, ma mère m’a toujours suivie et aidée dans cet engagement, et mon mari a lui compris que : Réséda faisait partie de moi.

Raphaëlle Olivier   
Août 2002   

   Entre la rédaction de cette histoire, et la publication de cette dernière partie dix huit mois se sont écoulés, ... j’ai rencontré Raphaële, sa mère, son mari, et Réséda bien sûr !,
   Je témoigne qu’en août 2003, Réséda coulait des jours heureux en compagnie d’un âne, dans un club hippique sur les bords du lac Leman, le tout sous le regard bienveillant de Raph.

   Si sa pottok adorée a pris de l’âge, elle n’en est pas moins en pleine forme, les quelques bêtises qu’elle a commises au printemps dernier, ont d’ailleurs causé quelques soucis à Raphaële.
   Malgré cela, ...

   Dans ses vingt ans, le plus dur pour Réséda aura été de faire confiance à l’homme, de se laisser séduire par des caresses. Une chose qui peu paraître naturelle pour certains, mais qui lui a été totalement étrangère tant qu’elle a été au pays basque … tout comme pour beaucoup d’autres pottoks vivant à l’état sauvage en montagne.

   A plusieurs reprises dans la vie de Réséda, cette « éducation » et cet instinct de survie plutôt que de lui être utile … aura failli lui coûter la vie !

   Jusqu’au jour de cette rencontre avec une enfant de 7 ans. …
   Avec toute la force d’une enfant de 7 ans !

   Dans l'album photo de Réséda et de Raphaëlle que madame Thomasset m'à fait parvenir, j'ai retrouvé deux photos. Il me semble qu'elles résument bien cette histoire; la première je l'avais publiée sur la première partie :

  C'était celle de leur rencontre. La seconde ci-dessous,

   date de leur arrivée en Suisse. Entre ces deux photos, il y a vingt ans.
   Le regard est le même. L'important est invisible.

   Il me revient juste à l'esprit, une phrase

   - Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ? dit le petit prince.
   - C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ca signifie "créer des liens..." (*)

Mise en page : PUBERT Christian  
Décembre 2003   

(*) " Le Petit Prince" - A. de St Exupéry