1ère partie : Souvenirs de montagne ...

 


 

     Réséda a vu le jour le 30 mars 1983 dans les montagnes du pays basque prés de d'Urrugne ; elle y a vécu durant 6 mois.

     Six mois de vie en liberté, de vie avec sa mère, de vie en troupeau avec d'autres pottok, de vie sans limites … sur les flancs de la Rhune. Où la rusticité est la seule qualité à laquelle tout poulain doit s'accrocher pour réussir à survivre.
     Six mois sans le moindre contact humain, où l'instinct de fuite sera providentiel en cas de danger
, où le bon sens fera éviter l'homme et ses coups de makila (bâton de marche au pays basque ) …

     Six mois, c'est à la fois peu … dans une vie de pottok qui dure en moyenne 25 ans, …

     Mais c'est aussi beaucoup ! , … pour ne pas dire beaucoup trop ! quand ces six mois vont être les premiers d'une vie ; ceux pendant lesquels les bonnes habitudes se prennent, ceux pendant lesquels dans d'autres formes d'élevage la manipulation des poulains est quotidienne et où la socialisation commence le plus souvent le lendemain de la naissance.

     Cette différence est en l'espèce essentielle, ces six mois auront conditionné à vie la plupart des poulains nés sur les flancs de ces montagnes … poulains qui seront pour la plupart du temps issus de parents pour lesquels aucune sélection sur les aptitudes mentales n'aura été effectuée. (…)

     Pendant ce temps, à des centaines de kilomètres de là, une famille habitant en Ardèche prend connaissance de l'existence de la race pottok.
     Dans le but d'offrir un poney en cadeau à leurs enfants, ils décident de prendre contact avec un de ces élevages au Pays Basque.
     Le contact établit, c'est en octobre 1983, qu'ils sont descendus avec un J7 pour ramener Réséda et Nonna (sa demi soeur) qui était pleine.
     Le " lot " avait été acheté pour 3000 francs. Le voyage avait également été mis à profit pour ramener deux autres ponettes destinées à leurs voisins.

     Sans aucun ménagement et sans autre forme d'éducation, toutes ces ponettes ont été descendues des montagnes spécialement pour être vendues.

     Réséda et Nonna sont inscrites au stud-book, ce sont de " superbes " ponettes.  "Made in mountain " … et qui …. rappelons-le, jusqu'au jour de leur vente et capture : n'ont jamais connu l'Homme !!!

     Le trajet retour depuis le pays basque avec quatre poneys dans un " J7 ", a apparemment été sportif et périlleux, … mais tout le monde est malgré tout (pour ne pas dire miraculeusement ) arrivé à destination : sain et sauf.

     A leur arrivée, Nonna et Réséda ont été installées dans une chèvrerie, parfois elles étaient sorties dans un petit pré escarpé.
     Au début, les enfants de la famille content du cadeau qui leur avait été fait, vont essayer de les approcher et de les amadouer avec du grain. A force de temps, et peut-être aidé par leurs parents, ils ont petit à petit et … non sans mal … réussi à leur mettre un licol.
     Mais la vie en montagne en totale liberté laisse des traces indélébiles … qui se traduisent le plus souvent par la laconique formule des dictionnaires quand vous cherchez sous le mot Pottok : Petit cheval sauvage vivant en liberté au Pays Basque.

     En l'espèce … cette définition semble une galéjade ; malheureusement ce comportement emprûnt d'une grande liberté pour ne pas dire sauvageons est encore de nos jours constatable … (voir galeries des concours d'étalons d'Helette).(ndlr)
     La plupart du temps rien que le fait d'être enfermé est pour eux insupportable … tout contact humain ou approche devient une agression, est en tout cas synonyme de stress et de peur panique … (…)

     Au fil des jours, … et vu le plaisir qu'ils pourront en retirer … les enfants de la famille ne seront bientôt plus très motivés pour s'occuper de leurs poneys ; ... leurs parents ayant trop de travail avec les chèvres ne pourront plus les aider à s'en occuper.

    C'est ainsi qu'un peu plus de six mois après leur acquisition, ils décideront de s'en "débarrasser" en publiant des petites annonces dans les journaux locaux pour les vendre.

     Lors d'une de nos premières visites chez ces gens, je me souviens que la dame nous avait dit que très peu de temps après leur arrivée les poneys s'étaient " échappés " de chez eux.
     En discutant un peu plus, … il s'avèrera que les deux ponettes s'étaient non seulement échappées mais qu'elles avaient réellement pris la fuite et qu'elles étaient restées en liberté pendant trois mois dans les montagnes ardéchoises !… vivant comme elles avaient toujours su le faire dans les montagnes basques c'est à dire en se débrouillant par elles-mêmes. Il avait fallut ni plus ni moins que le secours des pompiers pour réussir à les rattraper !

     C'est alors que notre histoire a commencé … en mai 1984.
     C'est le premier jour où nous avons, ma famille et moi, découvert Réséda.

     Je me nomme Raphaële, ce jour là je n'avais que sept ans, mon frère Vincent en avait dix … mais je m'en souviens comme si c'était hier ! Réséda quant à elle, n'était âgée que d'un an.

     Après deux visites, mes parents ont décidé de l'acheter. Je n'avais pas le droit de l'approcher car ses mouvements étaient guidés par la méfiance et la défensive… il fallait qu'elle apprenne à nous faire confiance, ce qui selon la vendeuse … et la formule … ne devait être qu'une question de jours ! A moins que cette formule n'ait, ... elle-même été apprise au pays basque !

     Nous avons choisi Réséda car Nonna (sa soeur par la mère) était beaucoup plus sauvage et ne se laissait pas du tout approcher.

     Les deux ponettes depuis leur évasion, par crainte qu'elles ne s'échappent à nouveau, étaient toujours attachées à une corde. Réséda porte toujours la marque de cette corde trop serrée à la nuque et dans les cervicale.
     Depuis l'achat de Réséda, nous avons appris que Nonna est morte en reculant dans un ravin ; elle s'est étranglée. Cela a été un choc pour les propriétaires, ils regrettent aujourd'hui de ne pas l'avoir donner avant.

     Malgré cela, personne ne doit leur en vouloir car ils ne savaient pas tellement comment s'occuper d'un poney, surtout aussi sauvage.

     Nous non plus, lorsque l'on a acheté Réséda, on ne connaissait pas grand chose, mais la différence c'est que nous étions très entourés. Je pense que c'est à ceux qui ont des connaissances d'aller vers ceux qui en ont moins. Avant de juger les gens, il faut essayer de les comprendre.

     Je pense aussi avec le recul, que même si le prix pouvait être attractif, il est illusoire d'imaginer faire un poney de loisir avec une bête sauvage … sauf à force d'heures de recherches fondamentales et de prise de risques qu'il est possible de qualifier d'inutiles.
     Qu'aussi généreuse l'idée du poney en cadeau ait-elle été … dans ces conditions elle se transforme vite en cadeau empoisonné, et ne peut être le plus souvent que: vouée à l'échec.

     Je me rappellerai toujours lorsqu'elle est arrivée chez nous. On nous l'a amenée dans une bétaillère d'où elle est sortie en liberté.
     Nous n'avions pas tellement de place pour garder un poney sur une longue durée mais on nous avait conseillé de le faire pour qu'elle se sociabilise avec l'Homme.
Nous lui avons donc cédé un bout de notre jardin, paillé une grange et laissé un petit pré.


     Tous les jours nous mangions dehors et nous passions le plus de temps possible auprès d'elle sans l'obliger à nous approcher. Je me rappelle que je faisais mes devoirs dans son pré avec des friandises sur la table et petit à petit elle venait les prendre. De cette façon, nous nous sommes apprivoisées, puis elle s'est laissée brosser avant d'accepter plus tard un pansage complet.

     Décrite ainsi cette période semble courte, .... mais "l'acclimatation " a en réalité duré deux ans !

     Deux ans pour que tendre la main avec une friandise n'engendre pas un mouvement de recul de la part de Réséda, deux ans pour qu'elle accepte que j'existe à côté d'elle, que je sois autre chose qu'un danger pour elle.
     Malgré, … ou à cause ? … de ces heures d'efforts interminables où nous avons joué au tango (un pas en avant … deux pas en arrière ) … Réséda a commencé à avoir confiance … attention ! pas en l'homme … Non !!!! … en moi, et un peu en notre famille, et confiance … pour des tâches : très simples !

     Ces heures d'apprivoisement ont été bénies.
     Je m'en souviens encore très bien, même si elles étaient longues et difficiles … elles ont gardé le souvenir de l'enfance et le goût du bonheur.

     J'avais neuf ans, et j'étais déjà certaine que Réséda me rendrait ces heures là un jour ou l'autre ….

     A force de temps et de patience, … elle fut enfin prête pour rejoindre un club équestre afin d'être dans un troupeau et voir d'autres personnes.
     Nous devions la faire monter dans un camion lorsque … ses envies de liberté ont repris le dessus.

     C'est bien connu : Chassez le naturel : il reviendra au galop ! … Nous avions peut-être sous-estimé certains points … ou plutôt Réséda gardait peut-être un souvenir des camions et des transports en commun plus important que nous ne l'imaginions.
     Résultat : elle s'est échappée sur un stade de rugby et nous avons mis beaucoup de temps à la rattraper. Il fallait se rendre à l'évidence : sa méfiance envers les Hommes était encore là et il ne fallait surtout pas la brusquer.

     Nous sommes enfin arrivés au centre équestre.
     Nous avions fait le choix de la mettre en stabulation libre car elle avait encore un instinct sauvage et ne supportait pas d'être enfermée.
     Au début, elle se faisait chasser par tous les poneys. Elle est restée de longs jours à être exclue du groupe et ne faisant rien pour y remédier, elle nous faisait mal au cœur … si bien que nous avons construit un deuxième abri avec une séparation pour qu'elle côtoie quand même le troupeau tout en pouvant s'alimenter.

     Puis son débourrage a commencé.
     Nous n'avions pas de grandes ambitions de compétitions, et je pense pas que mes parents nous avaient acheté cette ponette pour autre chose que le loisir et pour le fait que nous puissions connaître un animal et avoir avec lui un contact privilégié.

     Je pense aussi que nous avons appris à nous connaître en même temps avec Réséda; car je ne peux pas dire que mes parents, mon frère et moi-même connaissions grand chose aux équidés, mais par contre nous étions très bien entourés et guidés dans nos démarches ... ce qui nous a évité de faire de trop grosses erreurs.

     J'avais commencé à prendre des cours de poney deux ans auparavant.
     Réséda est en fait arrivée au moment ou je commençais à me débrouiller à poney.

     C'est malgré tout mon frère Vincent, avec ses trois ans de plus qui avait été jugé le plus apte à " tenir " dessus au moment du débourrage, c'est donc lui qui a eu cet honneur de mettre les fesses en premier sur " ma " ponette.

     Nous lui avons fait découvrir la longe, l'eau, les soins quotidiens…. Bref la vie d'un poney au sein d'une " famille club ".

     Malheureusement, deux ans plus tard, le club a fermé.
     Nous sommes parties dans un autre endroit. A cette époque mes parents se sont retrouvés avec un cheval, nommé Pantin du Gas. Un anglo-Arabe que le moniteur du club, que nous avions quitté, leur avait confié pour éviter qu'il soit vendu aux enchères comme les autres chevaux.

     Mon frère est ainsi passé à cheval et s'est occupé de Pantin tandis que je montais Réséda.

     Après les aléas de la domestication de Réséda, notre vie équestre allait enfin pouvoir commencer …(à suivre !)


Légendes des photos (de haut en bas ) :

   1) en noir et blanc : Réséda et moi, pas le jour de notre rencontre, mais quelques jours après son arrivée à la maison.
   2) Ma mère dans les soins quotidiens. Au début, et pendant longtemps, l'alimentation était le seul moyen de "négocier " un contact avec Réséda.
   3) Mon père dans la séance câlin. Toute la famille a participé à cet apprivoisement.
   4) Une des première douches au poney-club.
   5) Une des ... , sinon la première sortie en extérieur.

Toutes les photos sont issues de la collection privée de Raphaële.
Tous les droits en sont réservés.

    Ndlr : Vous pouvez aussi admirer les panoramas qui ont "bercé " la vie de montagne de Réséda en cliquant sur le bouton " 360° " ci joint à droite de l'écran ... puis sur : " Redoute de Koralandia " et " Soleil couchant sur la Rhune " ...
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