2 ème partie : L'ère des jeux


   Nous sommes parties dans un autre endroit. A cette époque mes parents se sont retrouvés avec un cheval, nommé Pantin du Gas. Un anglo-Arabe que le moniteur du club, que nous avions quitté, leur avait confié pour éviter qu'il soit vendu aux enchères comme les autres chevaux.

   Mon frère est ainsi passé à cheval et s'est occupé de Pantin tandis que je montais Réséda.

   Après les aléas de la domestication de Réséda, notre vie équestre allait enfin pouvoir commencer …




   Dans ce nouveau club, nous l’avons remise dans un troupeau, et cette fois, elle s’est fait deux copains.
   Elle s’intégrait dans le troupeau, … elle avait plus particulièrement deux acolytes … avec les mêmes penchants, … et avec lesquels elle s’échappait tout le temps !

   Il faut dire que les clôtures n’étaient pas des mieux faites et qu’il leur suffisait d’agrandir les trous pour goûter aux joies de la liberté !
   Je ne sais pas si Réséda était la chef de la bande, en tous cas il est certain qu' elle n’était pas la dernière à s’évader !

   Elle avait un terrain de jeux privilégié.
   C’était une scierie où les galops entre les troncs de bois étaient très excitants. Très excité aussi, le pépiniériste local enrageait surtout de voir ces trois fugueurs dans ses plantations.
   Je me rappelle d’une fois où, au petit trop, elle a enjambé sur toute une longueur des pots de terre sans en faire tomber un seul…ça tenait du miracle, ou bien de l’habileté qu’elle avait acquise dans la montagne.

   Malgré les bons moments qu’elle s’accordait, Réséda gardait toujours une grande méfiance envers l’Homme. Elle n’a jamais oublié ses débuts dans la vie, ni ses premières relations humaines. Dès que quelqu’un haussait la voix ou faisait un geste un peu brusque, elle se sauvait ou elle devenait très tendue à la limite de l’affolement ; en tous cas dans ces moments là, elle était inutilisable.
   Bien que nous sensibilisions les personnes qui s’occupaient des poneys à ces faits aucuns d’eux ne pouvaient s’empêcher de sévèrement la corriger lorsqu’ils la rattrapaient de ses fugues. Evidemment nous n’étions pas là dans ces moments, mais le comportement de Réséda nous révélait tout.

   Si bien que petit à petit et malgré tous nos efforts, elle est arrivée à un point où elle ne se laissait plus approcher au pré.
   Je devais chaque jour la reconquérir.

   Je me rappelle une fois où, avec ma famille, nous étions partis en vacances …

   Nous avions demandé à un ami de l’âge de mon frère de s’occuper de Réséda et il nous a expliqué à notre retour que le premier jour, elle avait préféré sauter la clôture plutôt que de se faire attraper par quelqu’un qu’elle ne connaissait pas.
   J’étais sidérée.



   Sur un autre plan, celui de son utilisation, des progrès avaient été fait.

   C'est ainsi qu'elle a commencé ses premiers concours hippiques en 1987. Elle a toujours sauté de façon assez volontaire mais n’a jamais galopé très vite ; nous sommes certains qu’elle devait déjà avoir un problème respiratoire, ce qui l’handicapait, et du coup en se protégeant et en allant à son rythme, … elle n’a jamais fait de super temps.

   Mais qu’importe ! Notre ambition était de se faire plaisir et pour cela : elle a toujours rempli son contrat !

   Faire un concours avec Réséda a toujours relevé du spectacle.
   D’abord nous tressions sa grande crinière d’une façon appelée cathédrale, je ne sais pas si c’est le vrai nom, mais c’est en tout cas comme cela que nous l’appelions. Puis nous l’habillions telle une vraie ponette de concours.

   Une fois rentrée en piste, c’est elle qui faisait le travail : tout d’abord, elle hennissait jusqu’au jury. Il faut dire que son hennissement est très particulier. Il est très rauque, un ton surprenant pour une ponette d’un petit mètre trente, que l’on imaginerait plus facilement avec une « voix » fluette. Ensuite il faut vous dire qu’elle arrive à faire de très longues gammes si bien qu’aujourd’hui encore on dit qu’elle ... « discute » ...
   Une fois devant le jury, il fallait saluer, enfin le protocole veut que l’on salue. Elle attendait qu’on lâche une des rênes afin de saluer pour se jeter dans les fleurs. De là, le public commençait déjà à rire.

   Puis la cloche sonnait.

   Là Réséda passait la marche arrière, sur plusieurs mètres pour ne pas dire sur plusieurs dizaines de mètres et tout ceci afin de ne pas passer la ligne de départ. Quand la ligne était enfin passée elle se lançait au petit galop, sautait l’obstacle qui se présentait devant elle et racontait sa vie après chaque effort dans des hennissement tous les uns plus invraisemblables que les autres.
   En définitive, si nous sommes bien toujours arrivées à la fin des parcours, il est tout de même dommage qu’il n' y ait pas eu une note pour la meilleure animation, nous aurions tout raflé ! … pour ce qui était du résultat de nos concours … c’était très différent.

    En dehors des « compétitions », je l’ai montée tous les jours. Nous faisions des balades, des reprises avec les chevaux, du Horse-Ball, et même des défilés pour la fête du village. C’est à cette occasion que j’ai eu l’honneur de porter haut les couleurs de la commune.

 

   Pour ce qui était du horse-ball, elle était fantastique. Elle avait compris que dans les « arrachages » et ramassages de ballon, nous devions avoir la balle ; si bien que, dès que j’avais le ballon elle baissait les oreilles et faisait mine de mordre les autres poneys. Du coup leur cavalier avait peur et soit lâchaient le ballon, soit leur propre poney devant les dents menaçantes de Réséda préféraient s’éclipser …
   Finalement j’aurais tendance à croire que le Horse-Ball n’est pas très compliqué, enfin du moins ne l’était pas beaucoup avec une « teigne » comme Réséda.

   L’année d’après, nous avons enlevé Réséda de ce lieu pour la mettre dans un autre endroit où les poneys vivaient en troupeau sur une dizaine d’hectares. Quand nous sommes arrivées, il y avait un Monsieur qui s’occupait du troupeau et qui louait ses poneys pour des balades.

   Là-bas, j’ai passé des années formidables.
   Réséda vivait dans de grandes prairies entourées de forêts ; je pouvais faire des balades magnifiques.



   Parfois je partais avec le sécateur pour ouvrir de nouveaux chemins. Réséda passait absolument partout, … je savais que si elle refusait catégoriquement d’avancer, je devais faire demi-tour car le chemin était trop dangereux un peu plus loin.
   Je me suis toujours fiée à son instinct et je n’ai jamais eu de problème.

   Le dimanche matin, mon père m’accompagnait parfois à pied sur plusieurs kilomètres pour que je descende les collines avec Réséda afin de rejoindre le club où j’étais avant. Une fois en bas et après que Réséda ait récupéré, je faisais un cours de saut puis je remontais les collines à pied à côté de Réséda.
   Cette ponette a toujours eu des difficultés relationnelles mais une fois qu’elle avait confiance en quelqu’un, elle était capable de faire n’importe quoi pour lui. Cela peut paraître flatteur mais cela devient très difficile de prêter une ponette qui n’a plus de limites physiques et qui peut s’essouffler à ne plus pouvoir avancer.

   Dans cet endroit, j’ai aussi découvert les randonnées de plusieurs jours.

   Nous partions à plusieurs poneys et Réséda a toujours aimé cela. dès qu’elle avait ses sacoches elle partait assez lentement.
   Puis au fil des randonnées je me suis rendue compte qu’elle gardait ce rythme sur l’ensemble du parcours et finissait par être beaucoup plus en forme que les autres poneys à l’arrivée.
   Avant l’heure, nous faisions déjà de l’endurance. ( > Camara de la Noue )



   Il faut aussi dire que Réséda adore l’eau, se baigner avec elle est un réel plaisir. Elle grattait, nageait, se roulait et me gardait sur son dos en maillot de bain. Elle ne rechignait pas non plus à faire des batailles d’eau.
   J’ai vraiment passé de très bons moments aquatiques avec elle. (*)

   Durant mes deux mois de vacances scolaires, mes parents me laissait très souvent dormir sous la tente là où était Réséda. Sur place, il y avait la personne qui s’occupait des poneys et la plupart du temps j’étais avec des amis. Certains acceptaient d’aller le soir dans les prés pour observer le troupeau mais beaucoup avaient peur, si bien que de fait, je me retrouvais seule dans le pré avec les poneys. J’aimais beaucoup rester seule avec eux, je pouvais voir Réséda et observer sa place dans le troupeau, comment elle se comportait avec les autres…
   J’ai ainsi découvert que c’était un vrai tyran.
   Depuis ses débuts en troupeau, elle avait fait un grand chemin !

   En 1989, nous sommes partis dans un autre endroit pour des raisons pratiques. Mon cheval y avait déménagé et ma mère ne pouvait pas nous accompagner aux deux endroits. Réséda allait y être aussi bien qu’avant, cela ne m’a donc pas posé de problème. Dans ce nouveau club, elle y a rencontré un âne. L’amour de sa vie ! Ils étaient inséparables ! Les propriétaires de cet animal nous avaient rassurés, en nous indiquant que bien qu’il soit entier il n’était âgé que d’un an … donc : Réséda ne risquait rien !



   Par la suite et je ne sais plus pour quelle raison, Réséda est revenue dans son troupeau et dans ses 10 hectares, enfin dans le club précédent, quoi !
   L’endroit s’était agrandi, le fils du propriétaire, qui était moniteur d’équitation, s’y était installé et j’ai recommencé, avec Réséda à faire du Horse-ball, des balades, du trec, …

   Bref, la belle vie pour nous deux.
   La seule ombre au tableau était que Réséda ne se laissait à nouveau plus approcher au pré et qu’elle avait inventé un nouveau tour ... qui était de partir d’un coup lorsque nous l’avions en main. Aucun adulte ne pouvait la retenir et elle nous a fait tomber plus d’une fois en faisant cela. Si bien que mes parents m’ont offert pour un Noël un licol bridon qui me permettait de sortir Réséda du pré avec un mors et de lui enlever facilement une fois qu’elle était attachée.

   Je ne comprenais pas ces fuites et ce manque de confiance.

   Ce n’est que le jour où je suis partie trois semaines en vacances que j’ai réalisé que quelque chose n’allait pas. Lorsque ma mère est venue me chercher, elle m’a expliqué que l’on devait monter tout de suite voir Réséda car depuis plus d’une semaine les poneys étaient malades, que tous avaient été contrôlés et mis dans d’autres prés pour ne pas infecter le troupeau mais que Réséda était inapprochable. Personne en 10 jours n’avait pu l’attraper. Lorsque je suis arrivée, je l’ai appelée et elle est accourue au petit trop en hennissant, je l’ai attrapée sans aucun problème.

   Sur le coup, je n’avais que 14 ans et j’étais assez flattée de sa réaction mais ensuite cela m’a inquiétée. J’ai ensuite appris que, plusieurs fois, Réséda s’était échappée du pré et qu’elle avait reçu de très grosses corrections lorsqu’elle était rattrapée.

   J’étais dépitée.



     Comment cette ponette allait-elle faire confiance à l’Homme si celui-ci, dès que son autorité était mise en cause, utilisait la violence ?
   Ce comportement même s’il était compréhensible par l’agacement que pouvait causer Réséda lors de ses fugues, était totalement stupide car : quand elle faisait bien, c'est à dire quand elle se laissait attraper … elle recevait une correction !
   Il n’y avait donc aucune raison pour que lors d’une prochaine escapade elle se laisse attraper plus facilement ! … ce qui à contrario renforçait un peu plus l’agacement des gens qui essayaient de l’attraper …


   Nous sommes restées encore quelques temps dans cet endroit.

   Le club connaissait quelques difficultés, et une fois l’hiver arrivé tous les poneys se sont mis à maigrir.
   Il y avait de la neige un peu partout, il faisait un froid de canard, les poneys luttaient contre le froid, et on peut même dire que dans ces conditions ils étaient sous alimentés.

   Réséda, elle, grossissait à vu d’œil. …

   (à suivre !)




Légendes des photos (de haut en bas ) :

   1) Dans carrière du club, .. très proche de la maison.
   2) Au pré, en compagnie de Pantin du Gas.
   3) Yahou !!! à nous la liberté !!!
       Sur ce point, Réséda a toujours eu des aptitudes innées !

   4) En porte drapeau pour le club de St Jean de Muzols, lors d'un défilé sur la commune de St Péray.
   5) Balade de rêve, dans le second club que j'ai fréquenté.
   6) Détente pour le Horse-ball.
   7) Sans doute l'un de nos premiers "obstacles".
   8) Départ ... ou retour de nuit.
       De toute façon avec Réséda : " ... Même pas peur ! "

   9) Sans commentaires.

Toutes les photos sont issues de la collection privée de Raphaële.
Tous les droits en sont réservés.

   (*) ... activités aquatiques ... particularité du Pottok ???
          .... Voir Claude Carcy Rando 2003

    Ndlr : Vous pouvez aussi admirer les panoramas qui ont "bercé " la vie de montagne de Réséda en cliquant sur le bouton " 360° " ci joint à droite de l'écran ... puis sur : " Redoute de Koralandia " et " Soleil couchant sur la Rhune " ...
     Bon voyage !
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